Edition Garnier-Flammarion, Traduction de Joseph Trabucco
« Qu’est-ce donc que le temps ?
Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande, je ne le sais plus. Pourtant, je le déclare hardiment, je sais que si rien ne passait, il n’y aurait pas de temps passé ; que si rien n’arrivait, il n’y aurait pas de temps à venir ; que si rien n’était, il n’y aurait pas de temps présent.
Comment donc, ces deux temps, le passé et l’avenir, sont-ils, puisque le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ?
Quant au présent, s’il était toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait l’éternité. Donc, si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu’il est aussi, lui qui ne peut être qu’en cessant d’être ? Si bien que ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c’est qu’il tend à n’être plus. » (chap. XIV)
« Si le futur et le passé existent, je veux savoir où ils sont. Si je n’en suis pas encore capable, je sais du moins que, où qu’ils soient, ils n’y sont ni en tant que futur, ni en tant que passé, mais en tant que présents. Car si le futur y est en tant que futur, il n’y est pas encore ; si le passé y est en tant que passé, il n’y est plus. Où donc qu’ils soient, quels qu’ils soient, ils ne sont qu’en tant que présents. Lorsque nous faisons du passé des récits véritables, ce qui vient de notre mémoire, ce ne sont pas les choses elles-mêmes, qui ont cessé d’être, mais des termes conçus à partir des images des choses, lesquelles en traversant nos sens ont gravé dans notre esprit des sortes d’empreintes. » (chap. XVIII)
« Ce qui m’apparaît maintenant avec la clarté de l’évidence, c’est que ni l’avenir, ni le passé n’existent. Ce n’est pas user de termes propres que de dire : « Il y a trois temps, le passé, le présent et l’avenir ». Peut-être dirait-on plus justement : « Il y a trois temps : le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur. » Car ces trois sortes de temps existent dans notre esprit et je ne les vois pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’intuition directe ; le présent de l’avenir, c’est l’attente. » (chap. XX)
Noël à l’heure du temps
Le passé du présent, d’où pousse la mémoire,
A donné à l’Enfant Sa fleur et douce moire,
Au cœur de notre espoir, un souffle d’hyménée.
Est la brise du soir, sous l’œil de l’olivier.
Le présent du présent gouverne l’intuition,
Ailleurs, l’heure du temps se plie à Sa mission;
La joie de sa vision façonne notre instant,
L’éclat de Ses rayons fascine en L’écoutant.
Le présent de l’avenir, dont l’attente est lumière,
Offre l’or et la myrrhe, et encense nos prières.
Une larme d’amour coule dans la nuit.
Pousse au point du jour, une racine qui luit.
Michel d’Ariane
20 novembre 2023
D’après les Trois Temps de Saint Augustin, ( les Confessions Chap.14,18,20 )